La superstition au féminin dans la Lettre de Thrasybule à Leucippe

ZORRILLA, NATALIA LORENA

La Lettre Clandestine

Classiques Garnier

Año: 2021 p. 195 - 213

1242-3912

Fréquemment attribuée à Nicolas Fréret (1688-1749), la Lettre de Thrasybule à Leucippe est considérée comme l?une des défenses les plus polémiques de « l?incroyance » dans le corpus de la littérature philosophique clandestine. Nous essayons de montrer qu?au delà de la peinture réprobatrice (mais aussi tentatrice) de la superstition que Thrasybule produit dans la Lettre, il y déploie d?autres dispositifs littéraires ?dont les femmes lectrices (qui s?identifient avec Leucippe) sont la cible. Ces dispositifs moralisateurs et genrés promeuvent la libertas philosophandi à la fois qu?ils découragent le « libertinage des m?urs » et encouragent la « décence » et la « modestie féminine ». Nous analyserons donc les stratégies à travers lesquelles l?auteur essaie subrepticement d?« endoctriner » les lectrices du texte, à fin de les éloigner des excès du libertinage et les attirer à la dissimulation dans le cadre de la religion chrétienne. Nous proposons ici trois figures fictionnelles différentes, des domaines mythique, littéraire et religieux, qui évoqueraient le déchirement spirituel de l?interlocutrice de Thrasybule à propos de son attachement à la religion. De cette façon, nous réfléchirons sur les conséquences, théoriques et pratiques, que la superstition peut avoir dans la subjectivité féminine, tel que l?imagine Fréret.