Masques et morts chez les Chané

VILLAR, DIEGO; FEDERICO BOSSERT

Masques des hommes, visages des dieux

CNRS Editions

Lugar: París; Año: 2011; p. 183 - 204

Abstract. La fête de l´arete est le rite le plus important de la vie religieuse des Chané, un groupe d’origine arawak « guaranisé », établi entre le Chaco occidental et le piémont bolivien. Il s´agit d´un évènement complexe, un cycle festif qui implique interdits symboliques et prescriptions rituelles, des références au symbolisme et à l´horizon cosmologique, des invitations à boire, des danses, des luttes rituelles, la rénovation de la cosmogonie, la mise en scène des relations interethniques, une réflexion collective sur le problème de la temporalité et, finalement, la destruction rituelle de tous les éléments de la fête. On examinera ici l´un des types de masques qui apparaissent au cours des derniers jours de la célébration, porté par les jeunes hommes et les adultes : les aña-häti, qui, comme le montrent l´étymologie de leur nom, les témoignages indiens et la littérature ethnographique, sont étroitement liés aux âmes des morts. Cette relation donne cependant lieu à des interprétations abusives. Ainsi, on a pu dire, plutôt légèrement, que les Chané croiyaient littéralement que les aña-häti « étaient » les âmes des morts. Nous voulons ici situer cette idée dans son contexte sémantique, et nous demander dans quelle mesure il est (ou non) loisible de traduire la vague identification pressentie entre les masqués et les morts au moyen de nos propres catégories de « possession » ou « incarnation ». Une révision critique de la présumée « crédulité » des Chané s’impose, tout en s'efforçant d'éviter les pièges auxquels nos propres catégories nous exposent au cours du travail de traduction.