"Les yeux flottant". Suspensions de la vue selon Rimbaud et Borges

CÁMPORA, MAGDALENA

Borges, souvenirs d'avenir, Pierre Brunel (Dir.)

Gallimard

Lugar: Paris; Año: 2006; p. 277 - 294

Certaines fictions de Rimbaud et de Borges évoquent des yeux littéralement suspendus en l’air, ou encore des sphères médiatrices tenant la place de l´oeil. Ces yeux épars signalent une réduction littérale du monde à ce qui est vu : les objets existent quand et parce qu’on les voit, et non l’inverse. Dans un système de ce genre, les choses, même celles dont on n’a jamais eu d’expérience, peuvent donc disparaître dès que la vision en est interrompue. La figure de l´oeil demeure ainsi le signe d’un monde plus vaste qui reste à l’arrière-plan, offrant sporadiquement les moyens nécessaires à sa perception, se rappelant au lecteur par le biais de ces yeux qui surgissent inopinément dans le champ visuel, à l’instar des portraits anciens qu’Emma Bovary entrevoit dans la pénombre du château de la Vaubyessard et dont elle ne distingue çà et là qu’un « front pâle », « des perruques se déroulant sur l´épaule poudrée des habits rouges », « deux yeux qui vous regardent ».