Production des connaissances dans la science périphérique: l?hypothèse CANA en Argentine

PABLO KREIMER; HERNÁN THOMAS

La société des savoirs. Trompe-l'oeil ou perspectives ? The Knowledge Society : Trompe-l'oeil or Accurate Perspective?

l'Harmattan

Lugar: París; Año: 2006; p. 143 - 167

On a longtemps cru que la plupart de la recherche dans les pays en développement en général, et l?Amérique Latine en particulier, était orientée vers les connaissances fondamentales. Pourtant, quelques études récentes ?contrairement aux idées reçues- observent à l?heure actuelle dans plusieurs pays de l?Amérique latine une nette dominance de la recherche dite « appliquée ». Pour autant, celle-ci ne déboucherait guère la plupart du temps sur des " applications productives » (innovations de procédés ou de produit), ou sur l?amélioration des problèmes sociaux ou d?environnement. Les approches disponibles jusqu?à présent n?ont pas fourni d?explication satisfaisante, car elles se sont placèes d?une manière « extérieure » aux processus de production des connaissances. Ce faisant, elles ont ignoré, généralement, la dynamique sociocognitive qui est à la source de contraintes à la fois structurelles et concernant les acteurs sociaux dans les contextes périphériques. Nous envisageons, dans cet article, de proposer quelques fondements pour une approche sociologique de la production et de l?usage social des connaissances dans les contextes périphériques. Ceci sera l?objet de la première partie du texte, où les problèmes de théorie et de méthode seront abordés. Dans la deuxième partie, nous entendons illustrer cette démarche par trois exemples tirés d?une étude empirique réalisée en Argentine. Enfin, nous comparerons rapidement ces trois cas stylisés, pour en tirer quelques conclusions. En ce qui concerne l?étude empirique, l?hétérogénéité des cas sélectionnés permet d?apprécier l?extension et la diversité des situations présentes dans les productions de connaissances scientifiques et technologiques considérés, a priori, comme « applicables » mais qui n?ont pas été effectivement « appliqués » dans les développements techno productifs, ou pour résoudre des problèmes sociaux ou environnementaux. Les isomorphismes détectés dans l?analyse de ces cas nous ont permis de caractériser les éléments en commun dans chacune des trajectoires sociocognitives étudiées. Ainsi, bien que chaque cas analysé présente certains traits particuliers, ils conforment, ensemble, la première esquisse d?une typologie des situations de connaissances « applicables non appliquées » dans les pays en développement.