Apres l'echec neoliberal, une nouvelle opportunite pour l'Etat social en Argentine?

DAMIAN PIERBATTISTI

Savoir/Agir

Savoir/Agir

Lugar: París; Año: 2021 vol. 57 p. 117 - 126

1958-7856

En décembre 2001, on observe en Argentine l?éclatement catastrophique du néolibéralisme comme modèle social . Ce phénomène a permis tout au long de la période 2003-2015 l?irruption de gouvernements dont la matrice théorique se trouvait aux antipodes de la pensée néoclassique. C?est dans ce sens-là qu?il faut analyser la centralité de la victoire électorale de Mauricio Macri en décembre 2015 étant donné qu?il s?agit de la première fois dans l?histoire argentine qu?une force politique de droite a accédé au pouvoir exécutif moyennant des élections libres et sans aucune proscription.En Argentine, il existe un clivage très marqué entre deux modèles de sociétés basés sur des perspectives théoriques opposées : une confrontation sociale entre deux rationalités politiques contraires . D?un côté, on essaie d?imposer un modèle keynésien, qui favorise le développement du marché intérieur et de la demande effective . De l?autre côté, on retrouve les fondements théoriques caractéristiques de la pensée néolibérale : la dérégulation du système financier, une politique monétaire et fiscale restrictive, l?élimination des contrôles du commerce extérieur pour stimuler la concurrence et faire descendre les prix locaux et un taux de change livré aux fluctuations de l?offre et de la demande. Pour faire une lecture correcte du gouvernement de Mauricio Macri (2015-2019), nous devons prendre en considération trois aspects. D´abord, comme nous l´avons déjà dit, c´est la première fois dans l?histoire de l?Argentine qu´une coalition politique située à droite du spectre idéologique accède au pouvoir exécutif par des élections démocratiques et libres de toute proscription . Deuxièmement, la prolifération d´anciens PDG et cadres de grandes entreprises et de diverses banques qui se sont retrouvés dans des positions stratégiques de l´État liées à leur performance dans le secteur privé. Ce phénomène sans antécédents historiques a amené les représentants des différentes fractions du bloc au pouvoir à occuper des positions stratégiques, déterminant ainsi le contenu des politiques publiques qui correspondaient au secteur spécifique de l´activité privée dans lequel ils ont développé leur carrière professionnelle. Troisièmement, la confrontation entre les deux modèles de société, ancrée dans des perspectives théoriques opposées telles que le keynésianisme ou la pensée nationale-populaire et le néolibéralisme ou l´école orthodoxe , a été réglée en termes électoraux, ce qui constitue un haut degré d´institutionnalisation du conflit social en Argentine. Contrairement à ce qui s´est passé tout au long de la dernière décennie du siècle passé, il existe aujourd´hui une véritable alternative de gouvernement opposée aux vecteurs structurants de la pensée néolibérale. En effet, l´hégémonie néolibérale de la fin des années 1990 avait inhibé l´émergence éventuelle d´une force sociale suffisamment puissante pour lui opposer une alternative réelle de gouvernement. C´est la crise organique de décembre 2001 qui a permis que le néolibéralisme, en tant que modèle social, cède la place à une expérience politique centrée sur une perspective théorique opposée . Pour traiter ces questions, nous analyserons les conditions de possibilité d´un modèle de société basé sur la construction d?un État social . Pour bien comprendre l?envergure de la problématique abordée, il faudra faire une synthèse de la période 2003-2015, c?est-à-dire de la succession des gouvernements « kirchneristes » qui ont été guidés par des critères opposés à la pensée néolibérale. Dans le cadre de cet affrontement, nous essaierons de montrer le décalage existant entre les fondements théoriques qui ont guidé le gouvernement du président Mauricio Macri (2015-2019) et les données empiriques qui ont résulté de l?ensemble des politiques publiques imposées tout au long de sa gestion. En conclusion, nous ferons une brève analyse du gouvernement d´Alberto Fernández, actuel président de l´Argentine, ainsi que de la possibilité de relancer la construction d?un État social suite la pandémie de Covid-19.