Télévision, mémoire et dictature en Argentine. Les témoignages de l'horreur au petit écran

CLAUDIA FELD

Les Cahiers du CIRCAV

Université de Lille - L'Harmattan

Lugar: Lille; Año: 2003 p. 195 - 214

L’article analyse le lien entre mémoire, image et société, à partir de l'analyse de deux productions télévisuelles - réalisées et diffusées à la télévision argentine à des moments bien différents- qui ont tenté de rendre compte du mécanisme répressif de la disparition forcée de personnes. La première, produite en 1984 par la Commission Nationale sur la Disparition de Personnes (CONADEP), est un rapport dénommé Nunca Más (« Jamais Plus »). Il montre publiquement pour la première fois les témoignages des survivants et des proches de disparus. La deuxième émission, produite et diffusée en 1999, est un documentaire réalisé avec les images du Procès des ex-dictateurs. Le but de cette analyse est de caractériser, à partir de ces émissions, deux étapes différentes du « travail de mémoire » en Argentine. Nous analysons la manière dont chaque émission construit et présente les témoignages des victimes de la répression –c’est à dire, des survivants des centres clandestins de détention et des proches des disparus. L'analyse de ces témoignages et de leur mise en scène permet d'observer les mécanismes et les procédés utilisés pour légitimer et rendre public un récit sur une expérience extrême. Quels sont les témoignages sélectionnés et les critères qui déterminent cette sélection ? Quels sont les récits présentés et comment se déroule leur mise en scène ? Quels sont les sens attribués à l'expérience de la répression dictatoriale à partir de ces témoignages? Ces quelques interrogations guident notre travail.