INVESTIGADORES
NAISHTAT Francisco
congresos y reuniones científicas
Título:
Histoire naturelle et histoire chez Adorno et Benjamin
Autor/es:
NAISHTAT FRANCISCO
Lugar:
París
Reunión:
Congreso; Colloque International de philosophie « Les habits neufs de la vie » dans le cadre de la Semaine de l?Amérique Latine et des Caraïbes; 2021
Institución organizadora:
Organisé par le Laboratoire d?études et de recherches sur les logiques contemporaines de la philosophie de l?Université Paris 8 (LLCP), le Laboratoire du changement social et politique de Université de Paris (LCSP), l?Institut des Hautes Études Latino-amé
Resumen:
Le terme « histoire naturelle » (Naturgeschichte) que Benjamin emploie à plusieurs reprises après qu’il a introduit au milieu des années vingt dans son Trauerspiel (1928) ressemble à un oxymore, unissant au sein d’un même signifiant deux dénominations que le courant prédominant de la tradition philosophique occidentale a toujours voulu séparer, à savoir, « nature », comme royaume cosmologique d’une phénoménalité close sur elle-même, sous une loi identique échappant à l’homme, et « histoire », comme domaine de pratiques interhumaines et des évènements qui en résultent, dont l’émergence du qualitativement nouveau, en termes de praxis, interaction, initiative ou « naissance » en est la marque distinctive. En amont du XX siècle, cependant les naturalistes avaient fait abondamment usage du terme « histoire naturelle ». Francis Bacon, notamment, l’introduit dans son Organon comme « Natural History » pour nommer le registre et la taxonomie des faits particuliers et idiosyncrasiques de la nature organique et inorganique, aussi bien de la terre, du ciel ou de la vie tous azimuts. A la suite de Bacon, on constate le même usage chez Newton, Gautier d’Agoty, Buffon, voire Goethe, qui classifie ses études sur la métamorphose des plantes sous cette dénomination. Le Musée parisien du Jardin des Plantes, en ce sens, fut rebaptisé au XVIII siècle comme « Museum d’Histoire Naturelle » par initiative de Buffon, un fait qui servira de modèle par la suite pour la muséographie. Mais le terme s’insérait toujours dans tous ces usages au sein d’une classification des disciplines naturelles, pour distinguer d’une part la « philosophie naturelle » ou « science naturelle », centrée sur les lois universelles de la nature et, d’autre part, « l’histoire naturelle », orientée par le registre des phénomènes naturels particuliers. Cet usage, tout en demeurant antécédent à la Naturgeschichte chez Benjamin et Adorno, puisque assumant des mutations et des périodes dans la nature, ne tenait pas moins radicalement à l’écart de « l’histoire naturelle » tous les phénomènes de culture et d’histoire humaine. Cependant chez Benjamin dès 1925 et chez Adorno dès 1932 Naturgeschichte devient au-delà l’archive du mouvement et des mutations de la nature, un trait ontologique de l’histoire elle-même en tant que obsolescence et caducité, et donc une forme de retour de la nature dans l’histoire : sa facies hippocratica, ainsi que Benjamin l’exprime dans son Trauerspiel (GS I.1, 343). Dès le moment où Naturgeschichte devient ainsi chez Benjamin et Adorno une notion pour la pensée de l’histoire, elle revêtira des traits inédits dans la philosophie : (a) comme une pensée de la caducité et du dépérissement à l’échelle de l’historique ; (b) comme une pensée de la réification et de ce que Lukacs a appelé « Seconde Nature » pour parler des processus de subjectivation et de reproduction culturelle dans le capitalisme moderne (Lukacs, 1916 ; Adorno, 1932) ; (c) comme « préhistoire » de la modernité, en référant non pas à un temps antédiluvien mais au domaine « archaïque » le plus récent, c’est à dire le suranné, constitué des ruines, déchets et fossiles que le capitalisme industriel moderne produit dans sa course frénétique au « progrès », et qui enferment néanmoins une dialectique semblable à celle du refoulement (Verdrängung) dans l’inconscient freudien.