L'enfance entre naître et n'être : Blanchot et des Forêts

NOELIA BILLI

Cahier Blanchot

L'Herne

Lugar: Paris; Año: 2014; p. 142 - 148

Entre naître et n'être, Blanchot explore la fente qui peut être nommée tant le commencement de tout parole comme l'irruption permanente du silence en elle. C'est l'enfance cela qui paraît réunir les deux motifs (commencement, silence), l'enfance conçue comme anacrouse, c'est-à dire: comme seuil dans lequel se soutient la disparition qui, au lieu de se contenter du négatif, accueille en elle une puissance antérieure à tout opposition entre puissance et acte, puissance irrévocable qui ne s'épuise pas dans le passage à l'acte. Ainsi, dans une série de textes consacrés à Louis-René des Fôrets, Blanchot parvient à articuler la question de la voix et la mort (largement travaillée autour de l'écriture) avec le (re)commencer inexorable qui est exigé par la naissance. De cette manière, on met en évidence que la perspective blanchotienne ne peut pas être réduite au « nihilisme » (à une livraison à la pure négation ou negativité), bien au contraire c'est une façon d'habiter entre les « restes » (« les cris », la « liesse », « les chants qui échappent à la nécessité du langage ») qui ne peuvent pas être inscrits dans une totalité de sens mais non plus être annihilés. En d'autres termes : on exhibe en Blanchot la lucidité de l'aveugle qui marche sans direction entre les fragments, obsédé pour trouver la « fracture définitive » qui en le plongeant dans le vide le sauverait, mais qui sait qu'il trébuchera forcément sur les pierres vaines qui s'obstinent dans l'existence.