INVESTIGADORES
POBLETE Lorena Silvina
congresos y reuniones científicas
Título:
Voir pour y croire. (D)écrire la crise Argentine de décembre 2001
Autor/es:
LORENA POBLETE
Lugar:
Paris I - Panthéon Sorbonne, París, Francia
Reunión:
Jornada; Enjeux (et) pratiques de l'écriture en sciences sociales; 2006
Institución organizadora:
Paris I - Panthéon Sorbonne
Resumen:
Les sciences sociales, devant défendre son statut de scientificité face aux sciences physiques, ont créé un ensemble de dispositifs pour produire la distance nécessaire à l´objectivité. Le langage scientifique a développé ainsi de formules pour pouvoir reproduire cette objectivité dans les textes. À l´argumentation logique se sont ajoutées les formules de neutralité tels que le « nous de majesté », les formes passives, et les fictions (critiquées par Becker) du genre : « tout se passe comme si? » Comme tout code, ce type de langage nous permet de communiquer avec nos pairs et, en même temps, de donner une identité précise à nos textes dans le monde social. C´est-à-dire, il nous permet d´acquérir une position définie dans le champ scientifique, et par rapport à d´autres champs sociaux. Néanmoins, dans certaines situations, ce langage fait défaut. Dans de situations très particulières, il ne suffit pas pour produire les clefs heuristiques que notre lecteur (pairs ou non) nécessite pour comprendre la situation que l´on veut décrire. Un exemple de celles-ci peut être la crise argentine de décembre 2001. Elle représente un tourbillon dans la vie des Argentins. Recordons qu´entre le 13 décembre 2001 et le 3 janvier 2002, cinq présidents se sont succédé, de nombreux manifestants ont occupé les rues des grandes villes avec leurs casseroles, qu´il y a eu des saccages de masses dans de supermarchés, et que la répression n´a pas manqué l´appel, laissant comme bilan 32 morts. Recordons que le pays s´est déclaré en cessation de paiement face aux organismes internationaux, que le système bancaire fit faillite, et que le peso fut dévalué, perdant un tiers de sa valeur par rapport au dollar américain. Cette crise, une de plus spectaculaire que l´Argentine ait vécu, fut ressentie, par les interviewés aussi bien que par le chercheur, comme un moment de perte de repères, comme un moment d´illisibilité de la réalité. Ex post, il est toujours possible de réaliser une description cherchant à lier les différentes causes économiques, politiques, et sociales d´une telle crise. Cependant, cette description ne permet pas au lecteur de ressentir (je dis bien ressentir) le vertige que cette situation incertaine produisait aux interviewés lorsqu´ils parlaient de leur avenir. C´est ce vertige la clef de lecture du contexte de production de leurs discours. Alors, le ressentir peut permettre aux lecteurs de comprendre la situation et de donner l´échelle juste aux propos tenus par les interviewés. La question est alors : comment décrire la crise pour que le lecteur puisse ressentir ce vertige ? Le langage scientifique n´a pas dans son répertoire les bonnes formules. Il n´a pas dans sa structure les mécanismes discursifs nécessaires pour provoquer de sentiments. Le langage imagé de la littérature vient ainsi à nos secours. Sans s´engager dans les débats déclenchés par les travaux de Geertz , Clifford, Marcus et autres, il semble possible d´affirmer que pour (d´)écrire certaines situations, le langage scientifique n´est pas le plus approprié. Comprendre le contexte de production des discours de l´autre, de fois, demande de se mettre à la place de l´autre, de sentir comme l´autre. Dans ce cas précis, il s´agit de sentir le vertige, la peur, l´incertitude que la crise inspirait. Dans ce cas, et peut-être seulement dans ce cas, une description littéraire, centrée sur des images, peut servir davantage à la compréhension de la crise. Voir pour y croire, voir pour ressentir. Le propos de ce travail est donc d´analyser l´usage d´un texte « presque » littéraire décrivant la crise argentine comme élément nécessaire à la compréhension du contexte de production de discours et des discours des interviewés eux-mêmes.