IDIHCS   22126
INSTITUTO DE INVESTIGACIONES EN HUMANIDADES Y CIENCIAS SOCIALES
Unidad Ejecutora - UE
capítulos de libros
Título:
De l’émergence des savoirs jusqu´au métissage: le parcours des termes psychanalytiques du français vers l’espagnol
Autor/es:
GENTILE ANA MARÍA
Libro:
Le français qui bouge
Editorial:
Araucaria
Referencias:
Lugar: Buenos Aires; Año: 2010; p. 56 - 71
Resumen:
La naissance et le développement d’une science, d’une discipline ou d’une théorie vont de pair avec la construction d’une terminologie propre. Lorsque cette terminologie est conçue dans une langue donnée, un mouvement complexe a lieu, qui comprend l’histoire, la diffusion et l’accueil de cette discipline par une communauté étrangère. C’est dans cette circulation que la traduction joue un rôle central et qu’elle est revendiquée dans les dernières décennies par des études qui se proposent de l’aborder comme un objet d’étude autonome. En effet, à partir des études de traduction proposées dans une approche littéraire et culturelle, notamment par Holmes dans les années 70, l’activité traduisante a fait l’objet des sciences cognitives, de l’analyse du discours, de la sociocritique, autant de disciplines qui ont enrichi les points de vue et donc la compréhension du phénomène.   Notre travail inscrit la traduction dans le cadre d’une étude socioterminologique sur une production théorique particulièrement riche pour un chercheur en traduction: la psychanalyse freudienne et lacanienne. Nous faisons appel au cadre socioterminologique étant donné qu’il apporte des concepts opératoires et des démarches méthodologiques valables pour faire un suivi des termes issus d’une langue que l’on pourrait appeler “dominante”, en l’occurrence le français parlé et écrit de Jacques Lacan, lecteur de Sigmund Freud, et la manière dont certains mots clés de la théorie ont été traduits en espagnol. L’accent est mis sur un cas de diversité linguistique: l’espagnol utilisé par la commauté psychanalytique argentine.   La terminologie psychanalytique est entrée dans la langue espagnole à partir des traductions de l'œuvre de Sigmund Freud faites en Espagne et des années plus tard en Argentine. Quant à la production du psychiatre français Jacques Lacan, elle est encore inachevée sur le plan éditorial, des traductions non « officielles » circulant dans le milieu des psychanalystes hispanophones. Lacan fut le lecteur et par conséquent le traducteur en français de plusieurs termes issus de la théorie freudienne. Ainsi, il propose de traduire la célèbre Werwerfung freudienne par la forclusion, terme qui posera des problèmes aux traducteurs hispanophones. Faute d'organisme institutionnel pouvant remplir le rôle de normalisateur, la terminologie de la psychanalyse a subi des tentatives, sinon de normalisation, à tout le moins de standardisation et d'harmonisation aux fins -selon nous-, d'une intercompréhension entre les utilisateurs de ce discours, que ce soient des traducteurs, des théoriciens ou des spécialistes concepteurs de dictionnaires.   La diffusion des idées psychanalytiques a été le reflet d’une époque marquée par les Guerres mondiales, la Guerre Civile Espagnole, l’exil, la dictature en Argentine, autant d’événements politiques et sociaux qui ne sont pas de moindre importance au moment d’entamer une étude de circulation des termes et des idées. Dans le cas de la psychanalyse, cette circulation des termes est fortement liée à l’accueil de la part de la communauté médicale, notamment psychiatrique à une époque donnée, au mouvement du marché éditorial, et, en qui nous concerne, à la traduction des ouvrages fondamentaux de la discipline, y compris les dictionnaires. Un métissage important se produit dans cette circulation et le poids de l’histoire dans l’évolution de la discipline et donc de ses mots devient incontournable. Ainsi, c’est justement la diffusion et l’accueil des idées freudiennes et lacaniennes en Argentine qui ont servi de tremplin pour le reste du continent, voire pour l’Espagne.   Étudier la diversité linguistique est pour nous l’enjeu de nous fournir de concepts valables, dépouillés de prescription, bien au contraire notamment descriptifs et explicatifs pour analyser et comprendre le phénomène de la variation. En ce sens, les équivalences interlinguistiques sont le matériel sur lequel nous menons notre analyse à partir d’un corpus textuel constitué de termes issus des traductions, des dictionnaires de la spécialité et des articles écrits par des psychanalystes hispanophones.   L’élaboration de concepts qui contribuent à comprendre la diversité, donc la variation mise en évidence dans ce corpus, envisage notamment le souci d’intercompréhension présent dans une communauté fortement spécialisée comme celles des psychanalystes. Nous avançons quelques concepts en tant qu’outils théoriques pour comprendre la diversité linguistique. C’est le cas notamment de la notion de “fonctionnement polynomique”. En même temps, nous proposons, à l’instar des enquêtes menées par des chercheurs québécois et français (Depecker et al, 1997; Quirion, 2003) une méthode d’implantation terminologique au service de la variation dans une langue de spécialité.   C’est au coeur donc de l’interaction entre terminologie d’origine (élément clé du lieu d’émergence du savoir) et terminologie traduite ou empruntée que nous inscrivons notre recherche. Contrairement à une terminologie normalisée et univoque, nous nous arrêtons sur une terminologie en espagnol qui se construit sans cesse et au sein de laquelle les références aux termes d’origine sont constantes. Toujours est-il que nous assistons à un processus de terminologisation et de resémantisation, illustré par des exemples relevés du corpus, qui répond notamment à la quête d’intercompréhension des concepts psychanalytiques.   Notre recherche provient du terrain: le terrain tout d’abord du traducteur qui doit faire face et résoudre des problèmes terminologiques souvent difficiles; le terrain aussi du sociolinguiste, qui part de situations concrètes et se propose de les décrire et de les expliquer; le terrain finalement du terminologue, qui puise dans les corpus et cherche des outils pertinents à l’analyse. Les pistes de recherche qu’ouvrent ces sentiers contribuent, nous semble-t-il, à la recherche en traduction et en terminologique bilingue dans notre cas, mais invite aussi à y ajouter un volet fondamental: la diversité linguistique en langue de spécialité, par le biais par exemple de l’étude de la variation intralinguistique. C’est l’appel que nous faisons à nos collègues hispanophones, francophones et lusophones “passeurs de mots” concernés comme nous par la circulation d’idées et de termes entre le français et les autres langues réceptrices.