INCIHUSA   20883
INSTITUTO DE CIENCIAS HUMANAS, SOCIALES Y AMBIENTALES
Unidad Ejecutora - UE
congresos y reuniones científicas
Título:
Le travail politique des fonctionnaires : organisation partisane et administration municipale dans la reconfiguration du péronisme
Autor/es:
MELLADO, MARÍA VIRGINIA
Lugar:
Paris
Reunión:
Simposio; Colloque : La survie et la domination du péronisme en Argentine : une énigme sociologique ?; 2014
Institución organizadora:
Paris I- Pantheon Sorbonne-
Resumen:
Le propos qui nous a réunis dans cette journée d?études est de débattre une série d?hypothèses sur une des grandes énigmes argentines, l?énigme du péronisme. Analysé selon différentes perspectives, mis en lumière par l?ensemble des sciences sociales, le péronisme a été réfractaire à toute définition précise et il constitue encore aujourd?hui pour de nombreux observateurs une partie de l?exceptionnalité argentine. Malgré les tentatives visant à englober ce mouvement politique dans une forme simpliste au travers de la catégorie imprécise des populismes latino-américains, ainsi que les propositions d?existence « d? une variété de péronismes » liée aux physionomies diverses acquises à différentes périodes, le péronisme résiste aux conceptualisations qui permettent de saisir la complexité du processus politique argentin lors du second XXème siècle et de penser la relation entre cet acteur du pouvoir et le système politique. Au-delà des essais pour comprendre ce phénomène dans son unité et sa diversité, les études récentes sur le péronisme ont cherché à historiciser le processus politique, plutôt qu?à le définir, en remarquant un ensemble de ruptures et de continuités permettant de tracer une carte plus claire du surgissement et de l?évolution du phénomène politique. Ces recherches ont été permises grâce à la revitalisation de ce champ d?études par un ensemble de chercheurs obsédés par la résolution de l?énigme. Et les avancées de la recherche ne sont pas négligeables. En effet, l?ensemble des études accumulées jusqu?à aujourd?hui décrit un panorama plus clair du péronisme sur différentes périodes et à partir de perspectives, approches et méthodologies variées. À la question classique des années 1950-1960 de savoir pourquoi les ouvriers sont devenus péronistes, se sont adjointes d?autres préoccupations influencées par la sociologie électorale des années 1970 qui ont cherché à décrire la composition socio-économique du vote péroniste. Après la récupération de la démocratie en 1983 et le renouvellement historiographique, le péronisme a acquis une nouvelle centralité dans les recherches grâce à son importance dans la culture politique argentine. Sous l?influence des perspectives liées à la science politique, de nouvelles dimensions ont été explorées afin d?atténuer la notion de leadership charismatique liée la figure de Peron. La formation du parti péroniste, son organisation interne et l?activité des dirigeants de deuxième et troisième rangs constituent quelques axes de recherche explorés dans cette direction. Sous l?influence du tournant culturel et interprétatif, de nouvelles lignes d?interprétation du péronisme ont également vu le jour comme les dimensions du discours politique, la façon de générer du consensus à l?aide des rituels et des commémorations , ainsi que les formes d?établir des liens avec d?autres acteurs du pouvoir telles les Forces Armées et l?Eglise. Enfin, les approches microsociales et les jeux d?échelles ont donné une nouvelle importance à la périphérie et ont ouvert l?éventail des recherches au-delà de l?aire métropolitaine de Buenos Aires. C?est dans ce contexte que s?inscrit cette communication dont le but est de questionner l?histoire du péronisme dans la période contemporaine, moment clé pour comprendre la survie du parti, à partir de l?échelle provinciale. L?étude focalise l?attention sur les dirigeants qui ont nourri l?organisation partisane de 1983 à 1999 et sur les modalités d?action politique mises en jeu pour maintenir la continuité du parti lors des profondes crises économiques et sociales. Avec les outils de l?histoire politique et sociale, de l?anthropologie et de la sociologie, le travail a pour objectif général d?analyser la formation et le recrutement des dirigeants péronistes qui se sont dédiés à l?activité politique de manière professionnelle suite à la restauration de la démocratie en 1983. L?étude se focalise sur une province du centre ouest de l?Argentine, la province de Mendoza, qui a été gouvernée par le péronisme de 1987 à 1999. Les trajectoires individuelles et collectives ont mis en lumière l?ensemble des espaces qui ont permis la construction de carrières professionnelles, comme les cercles familiaux, les organisations catholiques, l?université et les partis politiques. À partir de l?éventail des diverses carrières politiques possibles, on distingue la présence de deux circuits d?itinéraires nommés la « haute politique » et la « basse politique ». En se focalisant sur le monde de la « basse politique » lié à la construction des solidarités territoriales, on exposera les pratiques de fonctionnaires qui, avec le processus de décentralisation, sont devenus des pièces maîtresses dans la formation du consensus au niveau territorial et, partant, ont contribué à amplifier les réseaux réticulaires du péronisme à l?échelle locale. Par cette démarche, la recherche apporte de nouvelles données empiriques sur les transformations du péronisme, au-delà de la banlieue de Buenos Aires. Dans la première partie de la communication, on analyse les deux circuits des carrières politiques en démocratie à partir de l?examen des canaux de recrutement d?un ensemble d?hommes et de femmes qui se sont dédiés à l?activité politique. Les données agrégatives se sont construites à partir de l?analyse de 544 postes politiques qui incluent les gouverneurs et vice-gouverneurs, les députés et sénateurs nationaux, les députés et sénateurs provinciaux, les ministres du gouvernement provincial et les maires de la province de Mendoza entre 1983 et 1999. Le profil des dirigeants péronistes est décrit par l?examen d?un ensemble de variables quantitatives comme l?âge d?accès aux postes, la composition par genre des dirigeants, l?importance du diplôme universitaire dans la construction des carrières politiques et la permanence dans l?activité politique. L?ensemble des données montre que pour un groupe restreint (26%), qui cumule au moins deux postes, l?activité politique est un véhicule qui génère des voies d?ascension sociale à travers l?insertion dans la haute administration nationale, le changement de lieu de résidence, notamment vers Buenos Aires, l?accès à des contrats avec des organismes internationaux et la reconversion des capitaux politiques en capitaux économiques. En revanche, pour un groupe plus large (74%) recruté au sein des classes moyennes basses urbaines et rurales, l?activité politique apparaît comme circonstanciel et ne marque pas un mécanisme d?ascension sociale, ni de mobilité géographique. Cet élément révèle la présence de deux circuits de carrières politiques : la « haute politique », entendue comme les espaces de plus grande influence et de spécialisation dans l?exercice du pouvoir permettant le développement d?une carrière vers le national et l?international ; et la « basse politique » liée à l?activité politique à l?échelle locale. Ces deux circuits d?itinéraires ont néanmoins des points de convergence, comme dans la législature provinciale qui est le point de départ pour la « haute politique » et le point d?arrivée pour la « basse politique ». Dans la seconde partie, les trajectoires de la « basse politique » sont analysées en référence au développement des solidarités territoriales. Parmi la diversité des carrières qui composent la « basse politique », on a choisi des itinéraires du premier échelon de la carrière politique : les délégués municipaux. Pour ces acteurs, la plus grande mobilité possible les conduit à l?obtention d?un poste au niveau de l?exécutif ou du législatif provincial, sans accès à la politique nationale. La présence de ce type de fonctionnaire met en lumière une série de changements qui se sont manifestés au sein du parti péroniste durant les années 1980-1990. Les délégués municipaux ont émergé comme catégorie d?agents des gouvernements locaux à partir du processus de décentralisation entamé lors de la dernière dictature (1976-1983) et prolongé depuis le retour à la démocratie. Ce processus a généré une nouvelle configuration du pouvoir qui a renouvelé l?importance des gouvernements locaux chargés de gérer, d?administrer et d?évaluer les politiques de l?habitat, de la santé et de l?assistance. Par le traitement de données qualitatives, l?analyse rend compte de l?activité quotidienne de ces fonctionnaires, notamment la façon de gérer les nouvelles fonctions du gouvernement local et le travail de « production du vote ». Les résultats offrent au débat quelques hypothèses sur la survie du péronisme comme phénomène de longue durée en Argentine, en intégrant à l?analyse l?activité des agents de deuxième et troisième rangs dans la production quotidienne du vote. L?entrée par l?étude des dirigeants a permis d?historiciser le processus de territorialisation de la politique et de dessiner les nouvelles configurations de pouvoir. La distinction des circuits de carrières, entre la haute politique et la basse politique, a mis en lumière les diverses institutions formatrices de la classe politique et a focalisé l?attention sur ce qui limite la mobilité sociale à travers l?activité politique. L?examen de ce processus de sélection souligne les devoirs et les fonctions accomplies par les agents de troisième rang dans la reproduction de l?identité péroniste. Dans le contexte de la décentralisation, le délégué municipal joue le rôle d?un quasi-maire dans le territoire et constitue la dernière nervure du gouvernement local. Détenteur d?un salaire et d?un travail stable, le délégué met en place un modèle de prestation de service qui cherche à satisfaire les besoins des habitants. Cette activité, située entre le travail administratif et le travail politique, s?est érigée en un vecteur pour gagner des adhésions politiques grâce à des relations personnalisées et des interactions face-à-face. Le travail politique des fonctionnaires a mis en évidence la centralité des ressources étatiques dans la constitution du parti péroniste en une « machine électorale presque imbattable » liée à l?adoption de la « forme fédérale » du parti lors du gouvernement de Carlos Menem (1989-1999). De même, la pratique des délégués illustre la manière selon laquelle le parti péroniste et l?administration publique se sont superposés, donnant lieu à une espèce de calque générateur d?importants résultats électoraux, et cela en dépit des profondes crises traversées par le pays.